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Le droit d'usufruit

Pour accéder à la jurisprudence concernant la problématique des charges :
voir droit de la copropriété V° Usufruit (nous possédons 25 décisions).

L'usufruit


- Pascale Lecocq : "Des grosses réparations et réparations d'entretien en matière d'usufruit" JLMB 2006, p. 694;
- Marie Desmaré : "Des grosses réparations et réparations d'entretien en matière d'usufruit",
JLMB 2006, p. 694;
- Martine Walh : "Le lot en usufruit" RCDI 2006/4, p.2 ;
- Pascale Lecocq : "Des obligations de l'usufruitier et du nu-propriétaire face aux charges de la copropriété forcée d'immeubles bâtis". JJP 2000, p.404 ;
-Etienne Beguin : "La construction usufruit (les ventes usufruit/nu-propriété) : quelques questions, tentatives de réponse", Kluwer, Rec. gén. enr. not.4, n° 25.907

Le droit d’usufruit :

Dispositions légales :

- Art 605 c.c.: "L'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien.
Les grosses réparations demeurent à charge du propriétaire, à moins qu'elle n'aient été occasionnées par le défaut de réparations d'entretien, depuis l'ouverture de l'usufruit; auquel cas l'usufruitier en est aussi tenu"
- Art 606 c.c. : "Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et couvertures entières;
Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier.
Toutes les autres réparations sont d'entretien"
- Art 608 c.c. : " L'usufruitier est tenu, pendant sa jouissance, de toutes les charges annuelles de l'héritage, telles que les contributions et autres qui dans l'usage sont censées charges des fruits"

Répartition des charges entre l'usufruitier et le nu-propriétaire<

Le code civil énonce à l’article 578 que l’usufruit est un droit réel et temporaire, qui permet d’user et de jouir du bien d’autrui. L’usufruit est un droit essentiellement viager, qui s’éteint au décès de l’usufruitier et cette limite est d’ordre public.
Le nu-propriétaire n’est tenu que de laisser jouir de son bien et n'a donc aucune prestatation à fournir à l'égard de l'usufruitier.
L’usufruitier prend la chose dans l’état où elle est, et exerce son droit sans l’intermédiaire de personne.

L’usufruitier détient le bien d’autrui, et la loi lui impose deux obligations :
- l’une de jouir du bien en bon père de famille,
- la seconde est de respecter la destination de la chose.

Si le nu-propriétaire a une action à l'encontre de l'usufruitier lorsque celui-ci laisse se détériorer le bien, par contre l'usufruitier n'a aucune action à l'encontre du nu-propriétaire, notamment pour le contraindre à effectuer les grosses réparations au sens de l'article 606 C. civil.

Toutefois, quelques décisions ont reconnu le droit à l'usufruitier de récupérer le coût des grosses réparations qu'il avait acquittées à l'encontre du nu-propriétaire. Dans une décision du 5 novembre 1990 du tribunal de 1ère instance de Nivelles, un usufruitier avait obtenu le droit d'être remboursé du coût de grosses réparations qu'il avait été contraint de verser au syndic de copropriété (Voir également un arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles du 15 novembre 1994).

Dans le cadre d'une copropriété, la situation est différente. Ainsi, même en l'absence d'une clause de solidarité dans les statuts, l'association des copropriétaires a la possibilité de contraindre le nu-propriétaire d'assumer les charges de grosses réparations conformément aux dispositions de l'article 606 du Code civil (ex. grosses réparations au toitures).
La Cour de cassation dans un arrêt du 22 janvier 1970 a d'ailleurs admis ce principe en matière de copropriété, en estimant que tout tiers aux rapports entre un usufruitier et un nu-propriétaire, peut parfaitement contraindre le nu-propriétaire à payer les grosses réparations.

En vue de récupérer des charges de réparation, le syndic est souvent confronté au problème de la ventilation de ces charges entre l'usfruitier et le nu-propriétaire.
En présence d'un clause statutaire de solidarité, le syndic peut sans problème faire intervenir l'un ou l'autre dans le paiement des charges de la copropriété. La solvabilité de l'un sera souvent déterminante dans son choix pour obtenir le remboursement.

Le Juge de paix d'Ostende a considéré qu'en fonction de la nature même des charges de copropriété, le syndic doit pouvoir les réclamer soit à l'usufruitier s'il s'agit des réparations d'entretien visées par l'article 605 du Code civil, soit au nu-propriétaire s'il s'agit de grosses réparations visées par l'article 606 du Code civil.
le Juge de paix de Bruxelles, jugement du 31 mars 2010, rappelle qu'en l'absence de clause, il n'y a pas de solidarité entre le nu-propriétaire et l'usufruitier pour le paiement des charges de copropriété, que la solidarité est soit légale, soit conventionnelle.
Ainsi, dès que le syndic a connaissance du démembrement, le Tribunal rappelle que le syndic a l'obligation de ventiler les charges, sauf si les statuts prévoient l'existence d'une solidarité entre l'usufruitier et le nu-propriétaire.

On considère comme charges de l'usufruit, toutes les charges annuelles ou du moins périodiques, les dépenses régulières et prévisibles qui frappent le bien telles que les frais d'entretien, les impôts, le précompte immobilier, les taxes de voirie, les primes d'assurances,..
Il s'agit des charges qui sont prélevées sur les revenues et non sur le capital (D. CLAEYS, Usufruit et nu-propriété: principes et actualités, Kluwer, p.267).

Mais, il faut toutefois rappeler que les rapports entre l'usufruitier et le nu-propriétaire ne sont pas des rapports de droit personnel, aucune obligation ne peut être mise à charge du nu-propriétaire. La seule obligation légale est à charge de l'usufruitier, celle de ne pas diminuer la valeur du bien par des faits négatifs.

Les nouvelles dispositions sur la copropriété, notamment l'article 577-11, §3 du code civil prévoit "qu'en cas de cession ou de démembrement du droit de propriété sur un lot privatif, le notaire instrumentant informe le syndic de la date de passation de l'acte, de l'identification du lot privatif concerné, de l'identité et de l'adresse actuelle et, le cas échéant, future des personnes concernées".

A défaut de convention contraire, la nature même des charges de la copropriété détermine à qui celles-ci doivent être réclamées, à savoir soit l'usufruitier s'il s'agit des réparations d'entretien visées à l'article 605 du code civil, soit au nu-propriétaire, s'il s'agit de grosses réparations conformément aux dispositions des articles 605 in fine et 606 du code civil. C'est la seule ventilation possible.
Comme le souligne une décision, les appels de fonds ont quelques fois un caractère hybride.
Tantôt, le syndic adressera un appel de fonds au nu-propriétaire, lorsqu'il s'agit de grosses réparations au sens de l'article 606 du Code civil, et tantôt à l'usufruitier lorsqu'il s'agit de réparation d'entretien (art.605 C.c).
Mais cette ventilation, il faut bien le reconnaître ne sera pas toujours aisée à effectuer pour un syndic.

La cour de cassation dans un arrêt du 22 janvier 1972, estime que pour mettre à charge des réparations à l'usufruit, elles doivent constituer la contrepartie de la jouissance et de la rentabilité que ces éléments confèrent au fonds sur lequel porte l'usufruit, les grosses réparations ayant pour objet la solidité générale et la conservation de l'héritage dans son ensemble sont à charge du nu-propriétaire (Cass., 22 janvier 1970, Pas. 1970, I, 428).

En matière de copropriété, certaines décisions essaient de considérer que les charges du lot sont une dette commune à ses différents tituaires.
Cela permet en effet à la copropriété de se dispenser de ventiler et de réclamer ainsi à chacun la moitié de la dette globale sur base du principe de l'obligation conjointe (Voir Brux. civ., 29 avril 2010).

Voir l'arrêt de la Cour de cassation du 22 janvier 1970. A propros de cet arrêt, nous vous invitons à lire dans la revue RCJB de 1971, p. 463, la note de Jacques Hansenne et dans la revue JJP 2000, p. 404 la note de P. Lecocq.

Concernant les créances indivisibles, nous rappelons l'arrêt de la Cour de cassation du 4 décembre 2009, la Cour a considéré que, dès lors qu'il ne constatait pas l'impossibilité d'exécution partielle de l'obligation d'un des titulaires du droit réel et de l'association des copropriétaires, le tribunal n'avait pu légalement estimer que l'obligation entre les titulaires du droit réel était une obligation indivisible, fut-ce par nature (Voir également, le jugement de la 75ème chambre de Bruxelles du 29 avril 2010).


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