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Les troubles de voisinage

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Dispositions légales

- Troubles fautifs de voisinage : articles 1382 et 1383 du Code civil;
- Troubles non fautifs de voisinage : article 544 du Code civil qui reconnaît à tout propriétaire le droit de jouir normalement de sa chose;
- Article 16 de la Constitution consacre la garantie du droit de propriété.

La théorie des troubles de voisinage

S'il existe dans le Code civil quelques dispositions permettant de limiter les troubles de voisinage (dispositions des vues et des jours, droit de la mitoyenneté, distances des plantations), le code civil de 1804 ne s’est pas spécialement préoccupé de la matière des troubles de voisinage, et c’est donc en vain que l’on a cherché une solution propre aux conflits entre voisins résultant des utilisations différentes, voire incompatibles, que ceux-ci font de leur bien.

Il y a certes les articles 1382 et suivants, mais l’étirement de la notion de faute que requiert la solution, dans certains conflits, a des limites (…), notamment lorsqu'on se trouve en présence de troubles entre voisins qui sont provoqués par la jouissance non-fautive…"
Tout le monde est d'accord pour admettre que les troubles excessifs, même trouvant leur origine dans un fait non fautif, doivent faire l'objet de sanction.

La Cour de cassation, dans deux arrêts rendus le 6 avril 1960, a trouvé le fondement juridique aux troubles excessifs de voisinage. Suivant la Cour de cassation, le fondement doit être recherché dans un principe général de droit en équilibre. Cette théorie entend souligner que les propriétaires voisins ont un droit égal à la jouissance de leur propriété. Ainsi, une fois les rapports fixés entre les propriétés, compte tenu des charges normales résultant du voisinage, cet équilibre ainsi établi doit être maintenu entre les droits respectifs des propriétaires. Il en résulte qu'une fois cet équilibre rompu par un trouble excédant la mesure des inconvénients normaux de voisinage, il y aura obligation de la part du voisin responsable de compenser.

Cette théorie tient ainsi à démontrer que le propriétaire (ou même l'occupant) ne possède pas un droit absolu de tout faire. Que la contiguïté ou même la proximité nous oblige à adopter des comportements qui soient compatibles avec le voisinage tel qu'il est fixé.

Le fondement de cette théorie repose plus précisément sur l'article 544 du Code civil, mettant en évidence l'équilibre des droits entre des propriétés.
Pour qu'il y ait matière à application de la théorie des troubles de voisinage, il faut que soit apporté la preuve d'une part, d'une rupture d'équilibre entre voisins, et d'autre part, de l'imputabilité de cette rupture à la personne à laquelle la compensation est demandée.
Il s'agit d'une imputabilité objective du trouble, c'est-à-dire d'une responsabilité sans faute. Ainsi, le déséquilibre ne doit pas résulter d'une faute au sens de l'article 1382 du Code civil, mais seulement d'un fait, d'un comportement ou d'une omission attribuable à l'occupant voisin et qui soit la cause du dommage (Cass. Arrêt du 7 décembre 1992).
Ainsi, un propriétaire qui néglige de prendre les précautions nécessaires pour éviter des désagréments excédant la mesure normale des obligations de voisinage, devra compenser le trouble.

Mais si toute activité humaine exercée sur un fonds est susceptible de générer des troubles et des gênes pour le voisinage, il faudra toutefois établir une distinction entre les inconvénients normaux que chacun se doit de supporter, et les troubles excessifs, c'est à dire ceux qui dépassent la limite des inconvénients normaux de voisinage.

L'objectif de la théorie des troubles de voisinage, est justement de trouver cette limite à ce droit de tout faire, afin de permettre un développement harmonieux des relations entre voisins.
La réparation d'un tel trouble se réalise en principe que par une indemnité compensatoire allouée par le Juge, ou suivant les cas par la suppression totale de l'activité sans indemnité compensatoire.

Il appartient au juge saisi d’une demande de compensation sur la base de la théorie des troubles de voisinage, de déterminer le point de rupture de l’équilibre entre voisins, lequel doit s’apprécier en fonction d’un environnement concret et d'une situation préexistante, et de fixer l'indemnité qui compensera le déséquilibre établi.

En conséquence, le propriétaire qui, par un fait non-fautif rompt cet équilibre en imposant à un propriétaire voisin un trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage, lui doit une juste et adéquate compensation rétablissant l'égalité rompue.

Toutefois, lorsqu'il y a faute et que celle-ci n'est pas contestée, l'action sur base du droit commun de la responsabilité sera préférée, puisqu'elle permet la réparation intégrale du dommage, alors que l'action sur base des dispositions de l'article 544 du code civil permet une indemnité compensatoire uniquement pour les troubles qui excèdent les inconvénients ordinaires.

Ajoutons également, que les articles 544 et 1382 du Code civil ne s'excluent pas. Le juge peut très bien condamner le propriétaire de l'immeuble voisin au paiement d'une indemnité compensatoire en raison d'un trouble dépassant les inconvénients ordinaires du voisinage, mais également l'architecte ou/et l'entrepreneur sur base du droit commun de la responsabilité.

Rappelons que l'entrepreneur comme l'architecte, n'étant pas voisins propriétaires, ne pourront jamais être condamnés sur base d'une rupture d'équilibre, mais cependant ils pourront devoir garantir le propriétaire bâtisseur, tenu de l'indemnité compensatoire, dans la mesure où leurs fautes lors de la construction du bâtiment, entrainent pour le propriétaire l'obligation de payer une indemnité compensatoire (Cfr. Cour de cass Arrêts du 29 mai 1975 et du 24 avril 2003).

Quels sont les faits susceptibles d’entraîner l’application de la théorie de voisinage ?

Il est admis tant par la doctrine que la jurisprudence majoritaire que le trouble anormal n'implique pas que le trouble soit dû à l'aménagement d'un bien immobilier (la construction).
Ainsi, le trouble peut avoir pour origine une simple activité (indusrielle, p.ex.).

Depuis, l’arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 1992, ont reconnaît qu’un trouble peut être causé par une activité développée sur le fonds voisin ou à partir du fonds voisin, qu'un fait positif ou même une omission (telle l’absence de dressage d’un chien) peuvent être susceptibles de créer un trouble anormal.
L'aménagement d’un mur séparatif, des jours et des vues, même réguliers, sont également susceptibles de créer des troubles de voisinage.

La jurisprudence a retenu comme troubles excessifs de voisinage les faits suivants :


- le tapage nocturne résultant de l’exploitation d’un café ;
- la perte d'ensoleillement;
- la présence d'un mur de clôture menaçant de s'effonder sous la pression des terres;
- l’utilisation d’un instrument de musique comme la batterie ;
- l’utilisation excessive d’un appareil de radio ;
- la détention de chiens de garde bruyants et dangereux ;
- l’installation de huit à dix ruches dans un jardin ;
- la présence d’un chenil contenant un trop grand nombre de chiens.
- dégâts provoqués par des travaux d'élargissement de la voirie (perte de clientèle);
- poussières, odeurs, vibration, infiltration d'eau.

D'autre part, le trouble doit être né et actuel.
Ainsi, la possibilité d’un risque ne doit pas être retenu.
Toutefois, le Tribunal de 1ère Instance a considéré dans un jugement du 21 décembre 2001, que s’il n’existe pas de certitude scientifique au sujet du caractère nuisible ou inoffensif de crainte et de menace pour la santé, la présente d’une antenne gsm doit être considéré comme un trouble de jouissance.

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